A bien des égards, la cigarette électronique est l’innovation technologique qui a suscité le plus de polémiques lors des deux dernières décennies. Ce dispositif de vapotage, inventé au début des années 2000 par un pharmacien chinois, est différemment perçu par la communauté scientifique. Si certains y voient une solution inespérée pour « relancer » la lutte contre le tabagisme, d’autres le considèrent comme un produit d’appel qui fait une passerelle entre la nicotine et les plus jeunes. Mais quid de la cigarette électronique sous IA ? L’Homme peut-il confier à la machine un aspect aussi sensible de son existence que l’addiction ?
Le hardware au service de la santé publique
Il semblerait que les laboratoires de R&D des fabricants de dispositifs de vapotage aient recentré leur activité de recherche vers l’essentiel : comment aider les fumeurs à décrocher définitivement de la nicotine. En effet, les initiatives se multiplient, et les marques montent patte blanche pour se délester des accusations « éthiques », notamment sur le fait de cibler les jeunes qui ne souffrent pas d’addiction à la nicotine.
Le projet « Level », mené par des chercheurs de l’Université d’East Anglia (Royaume-Uni), vise à développer un ordinateur de bord à embarquer dans les dispositifs de vapotage. Doté d’un capteur lité à la cigarette électronique, ce petit appareil devrait être en mesure de suivre les habitudes de vapotage de l’utilisateur pour lui délivrer la bonne concentration en nicotine, la bonne intensité de vape au bon moment, selon une courbe dégressive, pour que le sevrage tabagique soit « optimal » au sens mathématique du terme. En somme, « Level » devrait être en mesure de calculer le chemin le plus proche et le moins éprouvant pour décrocher le Graal d’une vie sans nicotine. « Cela nous donne une rare vision de la façon dont les comportements [d’inhalation de la nicotine] fluctuent dans le temps en fonction de facteurs psychologiques, sociaux et environnementaux ».
Comme la recherche théorique semble butter sur le sujet depuis des années, les chercheurs ont souhaité adopté une approche empirique et pragmatique. Le hardware au service de la santé publique, en somme ! Les résultats de cette expérience devraient service de base au développement d’une intelligence artificielle open source, qui pourrait, à terme, équiper tous les dispositifs de vapotage.
Enovap et Juul, une jeune pousse et un géant dans les starting blocks
Enovap, startup française basée dans le Grand Est, semble avoir une longueur d’avance sur cette nouvelle approche. En effet, l’entreprise créée en 2015 par des étudiants ingénieurs de l’Ecole centrale d’électronique proposent une cigarette électronique connectée et intelligente. Dotée d’un double réservoir (liquide pour cigarette électronique avec de la nicotine et e-liquide à 0 %), elle délivre à l’utilisateur, de manière autonome, la plus faible concentration en nicotine susceptible de lui apporter satisfaction. Adoptant une tendance dégressive sur le moyen, voire le long-terme (jusqu’à deux ans), Enovap vise donc un sevrage progressif qui n’impacte pas la qualité de vie, au quotidien.
De son côté, Juul, géant américain de la cigarette électronique, a annoncé avoir déposé un brevet d’invention pour une cigarette électronique sous IA, « aidant les utilisateurs à arrêter la nicotine en limitant leur consommation quotidienne et en les sevrant progressivement du produit ». Avec un peu de recul, il peut sembler suspect que le leader de la cigarette électronique propose un produit pour sevrer les utilisateurs au tabac, mais aussi et surtout à la vape.
En réalité, la marque est acculée. Elle fait aujourd’hui l’objet de nombreuses critiques, enquêtes et poursuites judiciaires concernant des allégations et des publicités trompeuses. Dans le communiqué annonçant des poursuites judiciaires contre Juul, l’Etat de New York explique vouloir lutter contre une entreprise qui « a contribué de manière significative à la crise de santé publique qui a rendu les jeunes new-yorkais et américains dépendants de ses produits ». De son côté, les Etats de Caroline du Nord et de Californie poursuivent Juul au motif de publicité mensongère. Enfin, la Federal Trade Commission enquête sur l’entreprise pour l’utilisation d’influenceurs afin de promouvoir les dispositifs de vapotage, un acte illégal.